Ynis Witrin: L'île cachée
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 ~. Une nuit. Puis l'Aube .~

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Namibe Stark
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MessageSujet: ~. Une nuit. Puis l'Aube .~   ~. Une nuit. Puis l'Aube .~ EmptyJeu 8 Mar - 3:18

~. I .~

Virevolte petit flocon
Dans une éclaircie
Une fissure
Les nuages s’écartent
Une seconde
Une flèche de lumière
Insidieuse elle s’infiltre
Par l’entrebâillement
De nos sombres volets
Elle vient, elle caresse
Puis en un souffle
Elle se dissipe
Et toi petit flocon
Assoupi sur le seuil
De ce qui doit être une passion
Un soupir et tu m’abandonnes


Elle repose là. Juste à mes côtés, tout contre moi. Je lève une main et la laisse en suspens au-dessus de sa peau. Je peux sentir sa chaleur se saisir de ma chair. Se saisir, oui. Sa peau de velours… le simple fait de la voir, nue, à mes côtés suffit à m’enchaîner à ces pensées diverses et variées. Je l’ai élevée, je l’ai aimée, formée… brimée. Du début à la fin c’est à moi que cette femme-enfant doit une existence telle que la sienne. Je ne l’ai jamais entretenue. Elle a su le faire seule. Mais elle s’est toujours rendue à moi pour apprendre, me demander de lui faire une petite place sur le sentier que je suis moi-même.
Nos chemins respectifs se sont séparés, une ou deux fois. Mais en ce genre de nuits, quand la lune balaye sa peau diaphane et qu’elle dort paisiblement tout près de moi, que je l’ai aimée, quelques heures plus tôt… J’ai l’impression qu’ils se fondent l’un dans l’autre, tout comme je n’aspire plus qu’à me fondre en elle…

Mon petit flocon de neige, cela fait quelques années, déjà, que nos routes se sont croisées pour la première fois. Elle n’avait que douze ans à tout casser. Ses bras étaient encore plus maigrichons qu’ils ne le sont, son visage encore plus rond, mais bizarrement, il était moins candide qu’il ne l’est en cet instant. Le masque qu’elle avait, à cette époque là, était celui, fidèle, de la cité. Elle n’était pas une créature à sang chaud, simple petit écho de cette mère minérale. Elle avait sa simplicité et sa rudesse, alliée à la douceur et la beauté de la neige. Une beauté sauvage, pure et vierge. C’est moi, et moi seul qui l’ais faite accéder à une autre beauté. C’est moi qui ais sculpté de mes mains cette matière malléable pour en faire la plus harmonieuse des statuettes. Ma jolie petite idole. Dois-je regretter de t’avoir souillée ?
Ce jour-là, j’étais malade, je sortais en titubant, sentant l’hydromel et les drogues à plein nez, de l’un de ces salons exigus. Notre cité mère en fourmille. Ces petits établissements ont leurs codes, leurs repères. Ils sont bas, voir même souterrains. Ils nous correspondent si bien… Mais cette aube là, mon organisme ne le supporta pas, et je dû m’en extirper tant bien que mal. Le froid était mordant. Je me souviens m’être laissé porter sur quelques mètres, souriant d’un air béat à cette solitude, lorsque mes yeux s’arrêtèrent sur un petit obstacle. Une petite personne, toute menue, alourdie par une longue cape noire qu’elle avait dû chiper à quelqu’un de bien plus grand qu’elle. Je m’approchais, un sourire nauséeux aux lèvres, jusqu’à entrevoir deux grands yeux écarlates sous sa capuche. Il ne m’en fallu pas plus pour connaître son identité. Petite tête prisée, dans cette ville. Je venais de mettre la main sur une créature qui aurait fait de moi un homme riche, si seulement je l’avais revendue à plus influent que moi.
Mais son regard respirait trop l’innocence et la curiosité pour cela. Je m’arrêtais à plusieurs coudées d’elle. Elle ne parlait pas. Mais un lien s’était tissé, directement. Un pont entre nos deux petites routes. J’étais fier, en quelque sorte, d’avoir eu, conjoint à mon propre sentier, celui d’une enfant de la cité telle qu’elle l’est. Car elle l’est toujours. Même là, repoussant le drap pour offrir son dos, la chute de ses reins au froid qui nous unit… Elle est pleinement à sa cité. Elle lui appartient plus qu’elle ne m’appartiendra jamais. Et elle a raison. Cette pierre est de loin plus fiable que ma chair. Et de loin plus solide que celle de mon petit flocon.
Cette petite créature m’a suivi, en ce matin là. Nous avons marché un peu, elle sensiblement en retrait, comme si je faisais office de guide. Je parlais, peut-être trop, tandis qu’elle gardait un silence observateur. Quelle patience elle avait, elle qui déjà connaissait mieux que moi chaque recoin de sa cité… Elle avait la curiosité de l’homme, de retour dans son pays d’origine avec des proches, qui étudie attentivement leur réactions face à ce que lui aime déjà profondément. Je crois que je lui ai plu. Je crois qu’elle a aimé ce que je représentais, en quelque sorte. J’étais pour elle l’ambassadeur d’une dimension de sa cité qu’elle n’avait pas eu la possibilité de découvrir, parce qu’elle était trop petite, trop jeune, et que jamais encore elle ne s’était laissée porter dans les bas-fonds, dans les catacombes. Moi, je m’étais comme perdu pour sortir de jour sur cette neige fraîchement tombée. Je fus un étranger, pour elle, qui lui offrit un laisser passer pour un univers qu’elle brûlait de découvrir : les fondations de cette mère minérale. Notre mère à tous deux.

Je ne la touche pas, je ne veux pas la réveiller. Elle doit être épuisée, en partie à cause de la fougue de notre étreinte laissant encore en nous des traces fraîches… Je ne m’en suis jamais voulu de toutes ces traces que j’ai fais en et sur elle, au cours de ces années. Pourtant, elle a changé, à cause de moi. Mais ça m’est égal, car je l’ai vue changer avec un sourire satisfait. Peut-être qu’il m’a manqué, à un certain moment, ce petit flocon de pureté que j’ai recueilli au sortir d’un salon… Mais avec le temps, ce flocon est devenu eau, et l’eau est devenue âme. De l’âme de la cité, elle s’est comme séparée pour devenir une. Et à la fois, elle s’est divisée en multiples parties. Elle a fait un serment. Elle m’a offert son sang pour la première fois devant tous nos frères….

Je n’oublierais jamais ce jour là. Je les avais convaincus, finalement. Tous, ils craignaient qu’elle n’intègre notre guilde, effrayés par son nom, son regard, son âge et son sexe. Mais ma persévérance avait fini par payer, et elle tendait déjà au-dessus de la paume de sa main gauche un petit couteau. Elle ignorait encore la douleur. Sous ses doigts encore intacts, il y avait la grande jarre où notre sang à tous avait été récolté, au fil des ans. Il y avait le mien, là-dedans, et celui de nombre de nos frères morts lors de quêtes. Et quelques secondes suffirent à ce qu’elle y verse le sien à son tour. C’était affreux. J’étais l’un de ces affreux adultes, autour d’elle, à sourire alors qu’elle crissait des dents, découvrant pour la première fois la coupure de l’acier et le ruissellement de son sang. Elle ne lâcha pas prise, et ne cria pas non plus. Courageuse petite créature, elle serra son poing, et sitôt quelques gouttes écoulées, se tourna vers moi. Pour les autres, c’était déjà bon, déjà fini. Une simple petite formalité. Certains passèrent leurs mains dans les cheveux de celle qui allait devenir ma petite protégée, mais moi… Moi j’avais droit à ce lien que son regard maintenait avec le mien. Elle fit deux petits pas, lents, puis accourut et, pour la première fois, je la serrais tout contre moi de toutes mes forces. Elle se mit à pleurer. Avec de petits claquements de langue réconfortants, je déposais baisers sur baisers sur son front luisant, arrangeait ses cheveux d’argent et, finalement, la repoussait juste assez pour voir son visage. Je saisis sa main, sans la lâcher, et observait la plaie d’où le sang s’écoulait abondamment. J’y déposais, là aussi, un baiser, puis passais ma main à ma taille. Avec un hoquet étouffé, je la remontais, elle aussi tailladée, et saisis la main de ma petite créature afin de mêler nos sangs. Ce second rituel était comme un scellé parallèle à celui de notre guilde, un signe que je m’engageais à sculpter cette matière là…

Elle roule un peu sur le côté, dans son sommeil, et se rapproche de moi. Sur le dos cette fois. Son visage assoupis et détendu est celui d’un félin… Sa pommette aux courbes de cette si grande douceur dessine une ombre sous son regard, une ombre qui va jusqu’à l’arrête de son nez, un peu comme le maquillage d’un petit lynx. Et ce corps qu’elle rétracte un instant avant de le détendre à nouveau… Tout en creux et en muscles, fins et souples… C’est un corps d’enfant. Ses formes sont rudimentaires, et ses jambes n’ont pas la perfection de celle des catins de la ville… Mais elle est parfaite en son sens propre. Ce petit corps hybride, à mi-chemin entre l’âge adulte et l’enfance, est ce que j’ai créé de plus beau de ma vie. A nouveau, ma main s’élève et, à un millimètre du duvet qui recouvre son ventre, ses hanches, je la remonte et épouse de mes doigts ses formes, les fossettes de ses reins, de ses côtes… Elle frissonne dans son sommeil. Et c’est alors que je réalise quelque chose : elle n’a pas le moindre bleu. Pas la moindre cicatrice. Hormis celle de sa main gauche, entrouverte à côté de son visage… Cela fait longtemps… Si longtemps que j’avais encore l’habitude de marquer, jour après jour, son petit corps.

Elle était fatiguée, ma pauvre petite créature d’ivoire. Trop petite, trop faible, elle avançait fort lentement. Les entraînements rigoureux que je lui appliquais meurtrissaient ses petits membres avec la cruauté des adultes, et elle, elle essuyait les coups avec la patience des enfants. Je la voyais, inlassablement, se relever après un coup, toujours plus instable, titubante. Puis, petit à petit, le temps dont elle avait besoin pour se redresser diminuait. Finalement, elle s’effondrait, à la fin de chacun de nos entraînements, dans les bras de son bourreau… moi. Elle faisait des efforts surprenants, pour une petite fille de son âge. Elle était… Elle était déjà d’une beauté plus obscure, à cette époque.


Elle tombe.

Les jours s’écoulaient, et petit à petit, son regard se faisait plus acéré.

Elle titube.

Petit à petit, nos séances s’allongeaient et les bleus se faisaient moins nombreux.

Elle s’accroche.

Ses petites mains délicates se forgèrent à l’art du lancier. Les lourds bâtons d’entraînements ne semblaient plus aussi pesants, lorsqu’elle les faisait pivoter à côté d’elle avant de se lancer dans un assaut vain.

Elle se dresse.

Ma petite créature s’appliquait à devenir cette petite guerrière. Mon petit assassin commençait à se dessiner sous mes yeux doucereux.

Elle saisit.

Il ne lui manquait plus qu’une identité, pour accéder au stade supérieur. Une identité pour, d’une petite fille, devenir mon ombre sœur.

Elle s’effondre.

Ce que je pouvais aimer ce moment là. Celui de la fin. Chaque fin d’entraînement. Lorsqu’elle venait me quémander une étreinte réparatrice, que je lui offrais très volontiers. Je recueillais ses larmes, pansais les blessures que je lui avais faites, et la laissais décharger ce sentiment déchirant. Celui de l’insuffisance. Ce qu’elle voulait y arriver, ne serait-ce qu’une fois, à me mettre à bas !
Mais je l’avais là, sous mes mains à chaque fois. Je la saisissais comme on saisit un chaton, avec précaution. Elle s’est toujours adaptée à la courbe de mes bras comme personne d’autre. Comme si, déjà, nos corps visaient d’un commun accord à ne faire plus qu’un. Et c’était bien cela qui pointait son nez, déjà. Cette petite créature blanche au regard de sang, elle était une partie de moi dont j’avais eu besoin jusque là. C’était pour ça, sans doute, que je ne rechignais pas à la dureté, en entraînement. Elle devenait un peu de moi. Elle avait besoin de la même endurance, de la même résistance que moi. Et en dépit de sa faiblesse, je me rendis bien vite compte que son endurance était déjà exceptionnelle.
Il fallait être à ma place, pour le savoir. A cette place seule. Lorsqu’elle, inconsciente, reposait sur un lit de roses, éclairée par ces rayons lunaires, dans sa robe de chambres trop petite pour elle, et que mes mains se promenaient sur ce corps minuscule pour le panser, je voyais tous ces endroits où sa chair s’était contractée, là où elle avait pris cette teinte délicatement bleutée. Là où elle saignait, mais avec pudeur. Avec la pudeur de la pucelle qu’elle était. Son corps, encore vierge de tout combat réel, se conformait à la souffrance. Elle épaterait, ma jolie petite protégée, lorsqu’ils la verraient se battre pour la première fois. Pour le moment, nos entraînements étaient restés purement intimes. Privé est un mot qui ne convient pas pour cela. Non c’était bel et bien intime. Je pense que même un spectateur n’aurait pas assisté à ce qui se passait en réalité entre ma petite protégée criblée de contusions et moi.
Puis venait cet instant magique où je réparais mes actes, où je redonnais à ce corps assoupis un peu de ses forces épuisées. Ce que j’ai pu aimer m’occuper d’elle comme un artiste bichonne son œuvre. Puis elle s’éveillait. Elle était toujours fatiguée, à son premier éveil. Elle me demandait une étreinte, puis des récits. Enfin, elle cédait encore une fois dans mes bras, et peu de temps après commençait une nouvelle journée.

Elle est sur le dos, là. Comme lorsque, petite, elle se rendait à mes soins. Mais elle n’a plus le même corps. Elle n’est plus le même flocon. Ce flocon là est sensiblement plus mûr. Il a vécu des choses, avec et sans moi. Mais j’ai bien été le départ. J’aurais aimé que jamais elle ne laisse derrière elle ce qu’elle était. Mais elle avait sa beauté, là aussi. Et surtout, elle n’avait pas abandonné cette sorte de fragilité. Elle soupire toujours dans son sommeil. Elle cherche toujours la protection. Ma protection. L’a-t-elle cherché aussi, dans les bras d’autres ? A-t-elle seulement pu se rendre totalement à d’autres regards qu’au mien, ou suis-je le seul à avoir pu contempler ma petite créature blanche dans toute sa réalité ? Et dans toute sa force.
J’ai envie de déposer sur elle des baisers, mais j’ai trop peur de briser ce tableau, et me contente donc de poursuivre cette vie.
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Namibe Stark
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MessageSujet: Re: ~. Une nuit. Puis l'Aube .~   ~. Une nuit. Puis l'Aube .~ EmptyJeu 8 Mar - 3:20

~. II .~


Un soir. Le premier. Quelle magnifique nuit. Elle me revient en cet instant précis, parce que notre étreinte a eu un goût particulier, cette fois. Mes doigts se glissent dans ses cheveux d’argents. Ce soir là, elle était un peu moins fatiguée que les autres. Elle avait pris un peu moins de coups. Mais sa pommette était quand même rougie et sensiblement enflée. La pommette gauche. Cette fois, je l’avais portée jusqu’à sa chambre humide, mais elle n’avait pas sombré dans l’inconscience. Elle s’était assise au bord de son lit, et avait attendu. Je m’étais tourné et, j’avais fermé la porte pour entamer les soins. Je ne les avais jamais faits lorsqu’elle était éveillée. A ce moment là, elle avait dans les treize, peut-être quatorze ans. Moi, j’en avais tout juste vingt-quatre. Et pourtant, alors que mes mains la délassaient, l’allongeait sous son regard vif, j’avais l’impression d’en avoir cinquante. Ma petite beauté s’en était remise à moi. Mes mains, en raison de son éveil, tremblaient et il me fallut plus de temps pour soigner tout ça. Une fois ma besogne terminée, elle s’est simplement assise sur le lit. Elle frottait ses petits pieds au bord du drap, laissant des traces grises : elle s’était entraînée pieds nus, et avait ramassé un peu de tout. Et elle restait là, elle me regardait de ses grands yeux rouges si purs. Ce qu’ils étaient beaux, ses yeux. Là, ils sont clos et elle dort à mes côtés. Mais à cette époque là, ils me fixaient encore d’un air scrutateur. Elle savait beaucoup de choses, sur ma vie. Elle avait entendu de mes histoires, car il me fallait bien, pour combler les manques qu’amenaient la couvée d’une chevrette, de quoi déverser cette tension ailleurs. Et c’était à elle, sans que je sache comment, que parvenaient ces échos. Elle montrait pour cette vie qui lui était étrangère un intérêt tout particulier. C’était ça, sans doute, que l’on évoquait en parlant de l’étrange candeur de ma petite protégée. Ce regard qui en a mis plus d’un mal à l’aise. Moi je l’aimais. Je tenais plus à ce regard qu’à n’importe quoi d’autre. Je crois que je tenais plus à ce regard même qu’à son corps. Quand il s’est terni, un beau jour, alors qu’elle prenait un peu d’âge, j’en fis un deuil, et me résolus à passer à autre chose. J’avais ignoré que cette autre chose allait avoir une saveur tout aussi appréciable… Mais ce regard avait perdu, lorsqu’il se posait sur moi, cette détermination, cette impression de connaissance absolue, pour muter en une envie de défi. L’envie d’oser l’inavouable… Puis une douceur, une douceur qui se rendait, qui n’était plus curieuse, mais simplement suppliante. Oui elle a bien changé, les années suivantes… Mais ça m’était égal, et ça m’est toujours égal d’ailleurs.
Cette nuit-là, alors que j’étais accroupi devant elle, toujours assise, le dos droit et les mains entre ses cuisses serrées et délicatement zébrées par les écorchures, je passais un tissus froid et soulageant sur sa pommette. Elle fermait les yeux, avec un petit sourire. Son sourire accrocha le mien. Je continuais avec la douceur et le respect d’un homme voyant sa petite idole prendre vie. Je nettoyais ses jambes, ses bras… Sa gorge et ses épaules… Et elle n’avait de réaction que ce sourire absent. Finalement, je me relevais face à la petite créature ébouriffée. J’avais l’intention de la laisser. De ne pas me laisser prendre par l’envie de la saisir, là. Mais contre toute attente, ce fut elle qui me saisit… Elle passa ses bras autour de moi et me serra, moi debout et elle assise, contre elle. Sans me lâcher, alors que mes mains en suspens, tout aussi surprises que moi, n’osaient se poser sur elle, elle replia ses petites jambes sous elle et posa ses fesses sur ses talons grisâtres. Elle ma lâcha, et appuya son front à mon ventre, les bras ballants. Elle attendit ainsi. Et moi, je ne bougeais pas. Finalement, je me baissais un peu, face à elle, faisant en sorte que ce soit à mon épaule que s’appuyait ce petit front lunaire. Mes mains osèrent effleurer ses épaules, puis son dos. Je la sentis frémir doucement. Elle glissa finalement ses mains entre nous, écarta son visage pour le baisser et sourit. Je la serrais de toutes mes forces contre moi, froissant sans m’en occuper sa petite robe de chambre blanche.

Et cette nuit en amena d’autres… D’autre, jusqu’à celle que nous venons de vivre. Ah ma petite créature… Ce qu’elle était pure, cette nuit là. J’ai récolté ses larmes, ses rires, ses sourires et ses regards comme… ancestraux. J’avais l’impression que c’était un cadeau de ma cité. Que c’était ma cité même. Puis quelque chose a changé. Parce que je n’ai plus cette impression là. Maintenant, elle n’est plus que cette jeune femme, douce, certes… Mais elle n’a plus l’air de trouver sa vie à même la pierre. Cela fait longtemps, peut-être deux ou trois ans, que je ne l’ai plus vue plaquer ses tempes aux murs glacés, pour se sentir vivre, pour avoir cette impression que le sang qui bat à ses temps n’est que la pulsation, lente et éternelle, du cœur de la cité… Maintenant, elle sait. Elle sait d’autres choses, des choses plus raisonnables. Mais elle oublie son essence. J’essaie. J’essaie de la retrouver pour elle, parce que je tiens à ce corps là… mais au plus je m’y efforce, au plus j’ai l’impression d’agir en vain. J’ai l’impression de la voir devenir une simple guerrière. De la voir perdre cet amour qu’elle a pour la pierre, ou tout du moins de ne plus en faire le sens de son existence. Ce n’est pas le mien, et comme je le désirais, elle devient comme moi mais… Mais elle, elle avait quelque chose de plus.
Maintenant qu’elle est là, étendue, détendue, les sourcils froncés par quelques pensées nocturnes, je la revois en ce matin qui, pour la première fois, a trouvé à sa vie une raison d’être autre que notre cité et ses enfants.

Il neigeait doucement. Cela faisait partie de notre, de son entraînement. Les autres avaient une mission, et nous étions simplement venus y assister. Nous voulions qu’elle se familiarise à la mort, à la violence pour se trouver glaciale face à elle. Etrangement, ça lui est venu plutôt vite. Peut-être parce que la considération qu’elle avait pour les êtres à sang chaud n’était qu’une distante curiosité… ? Je l’enroulais dans mon ample manteau, et la contraignait à garder les yeux ouvert jusqu’au bout. Les premières fois, elle sursauta et enfouis son visage dans mes vêtements, livide… Mais petit à petit, ses sursauts diminuèrent, jusqu’à n’être qu’un battement de cils vaguement influencé. Je l’y avais habituée. Je me mis à la laisser, seule, assister au spectacle, et donnais la mort moi-même. Visiblement, c’était déjà plus difficile pour elle à encaisser, venant de moi. Peut-être parce que j’étais son protecteur, et qu’un protecteur qui tue n’en est pas vraiment un fiable… Mais petit à petit, ça vint également. Jusqu’au jour où, enfin, après avoir mis à sac un homme, agonisant, mais le regard encore fixé sur nous, je le plaquais à ce tapis de neige et, sous les flocons qui virevoltaient et fondaient à notre approche, tendis à ma petite créature une dague légère. Elle la prit avec une assurance déconcertante et vint se mettre à genoux à nos côtés. L’homme se débattit, je lui adressais un regard amusé. Je lui indiquais l’endroit, et elle y posa la pointe de la dague. Voyant qu’elle était plus que novice, il tenta de l’influencer, la cajola de mots inefficaces, puis abjects, lui proposa de tout, à manger, parce qu’elle n’était pas bien épaisse, des vêtements plus chauds, de l’alcool, des sucreries… Mais, froide, comme la main sentencieuse de cette cité, elle s’appuya de tout son poids à la dague, qui peina à rentrer mais trouva finalement le cœur de l’homme.
Celui-ci, une insulte pour ma petite protégée mourrant sur ses lèvres, s’affaissa, et tomba finalement dans la neige. Elle se tenait là, en tailleurs dans la neige rougie, les flocons qui tombaient toujours dansant autour d’elle. Elle leva ses mains ensanglantées au niveau de son visage et les tourna pour bien les voir de tous les côtés. Elle en plaqua alors une à sa bouche et, avec un hoquet, se leva et courut dans un coin sombre. Je la retrouvais plus loin, affaissée, les jambes repliées sous elle, meurtries par le froid. Ses cheveux et ses cils étaient hérissés de cristaux de neige, comme la fourrure d’un ourson apathique. Elle avait levé vers moi un regard terni, puis s’était servi de moi pour se relever. M’agrippant de toutes ses forces, elle avait pleuré, les minutes se succédant, jusqu’à épuisements. L’un de nos frères nous rejoint alors, un petit sac sur l’épaule, et nous sourit, amusé. Il nous dit que la commande avait sur elle quelques effets. Il se proposa de les mettre dans nos réserves, mais je lui rappelais la règle. Ils étaient à elle, les effets de son premier contrat. Elle ne les accepta pas de suite, mais je les pris à tout hasard, et nous rentrâmes.
Dans ma chambre, plus grande que la sienne, où des vêtements nous appartenant à tous deux étaient éparpillés un peu partout, j’étudiais un document que l’on m’avait remis il y avait peu de temps, et elle, assise en tailleur, flottant comme une puce dans l’une de mes amples chemise, celle-là d’un noir profond, ne quittait le sac de sa victime des yeux. Plusieurs fois, j’avais tenté de lui parler, mais je m’était heurté à un mur d’un mutisme désolant, et finis par abandonner.
Au bout d’une heure, peut-être un peu plus, elle déplia comme elle le faisait tout le temps ses petites jambes, se coula hors du grand lit en pagaïe et fit quelques pas, jusqu’au sac. Elle le prit et alla s’adosser au pied du lit, puis leva vers moi un regard interrogatif. Elle me demanda, je m’en souviens comme si c’était la veille, ce qu’elle trouverait à l’intérieur. Je lui fis part de mon ignorance, et ajoutais que ce sac lui appartiendrait à vie. Souvent, ce que contenait le sac de la première victime conditionnait le style et le mode de combat de l’assassin, et ce jusqu’à la fin de ses jours. Elle acquiesça. Finalement elle avait accepté tout ça, et commença à fouiner dans le petit sac en daim. Elle en tira une petite statuette en améthyste. Elle la leva et la fit tourner à la lumière avec un regard plus enfantin que jamais. Un doux « Oh… c’est beau » siffla entre ses lèvres, puis elle la posa à ses côtés, et trouva une ceinture, une plume et de l’encre sombre, vaguement rosée… Il y avait aussi un petit carnet, tacheté de sang, et un autre, celui-là rempli d’inscription dans lesquelles elle se plongea. Je me demandais alors si elle savait lire, mais, la voyant parcourir les pages, les sourcils froncés, la joue appuyée à son poing fermé, je supposai que sa famille avait bien du le lui enseigner. Après tout, elle portait le patronyme des dirigeants de la cité… Le peu de fois où elle s’était trouvée chez eux, ils avaient dû tenter de l’éduquer un minimum. Avec un sourire, je me penchais, accoudé à ma chaise, et la regardais se plonger là-dedans. Ce qu’elle était jolie, lorsqu’elle se concentrait.
Il quitta sa chaise et vint s’asseoir à ses côtés, pour découvrir ses trésors avec elle. Il prit lui aussi la petite statuette d’améthyste, puis se tourna vers sa petite créature. Ca lui allait bien, l’améthyste. Ca allait bien avec son regard d’un rouge flamboyant. Ma petite poupée de porcelaine. Je glissais mon bras dans le bas de son dos, et la serrais contre moi. Son visage ressemblait à un masque de porcelaine. Un masque percé par ces deux pupilles vives. Mais elle ne m’accorda même pas un regard. Je déposais un baiser dans sa nuque, et essuyais à nouveau une vague d’indifférence. Finalement, j’abaissais la couverture du carnet pour lire quelques phrases. C’était… c’état un conte. Un conte idiot, pas même digne d’une histoire pour enfant. Mais dans ses yeux, on avait l’impression qu’il y avait quelque chose de captivant, là-dedans. Histoire de comprendre, je lui demandais de quoi il s’agissait. Elle m’incita au silence d’un claquement de langue, et mordilla ses lèvres. Finalement, tournant une page, puis revenant en arrière, elle haussa un sourcil. Selon elle, il y avait quelque chose qui n’était pas logique, dans ce carnet. J’aurais aimé lui dire que la logique n’était pas la caractéristique première d’un conte mais je vis à ses yeux qu’elle avait trouvé là quelque chose qui m’échappait. Cette petite fille était-elle d’une intelligence qui m’était étrangère ?
Le lendemain, après avoir passé la nuit à bouquiner ce carnet, jusqu’à s’endormir entre deux pages, elle me demanda des documents codés. Dans une guilde, il en circulait beaucoup. J’exauçais son souhait sans réfléchir, ignorant que par là je lui offrais une échappatoire à ma tendresse.

L’alchimie. Ce fut son premier contact avec l’alchimie. Elle progressait là-dedans bien plus vite que dans les arts du combat. Elle progressait bien plus vite en autodidacte qu’avec mon aide. Rapidement, elle demanda des missions, bien qu’encore peu sure de sa petite lance rudimentaire. Elle se débrouillait pour s’en sortir, et dépouillait ses contrats, puis allait en ville et s’achetait toute sorte d’ingrédients qui me mirent la puce à l’oreille. Des herbes séchées, de la verrerie biscornue, de tout et de rien. Des pierres. Elle alla jusqu’à me subtiliser des limes, dans le simple but de lisser des sphères de minéraux précieux. Je ne savais pas ce qu’elle en faisait. Elle ne dormait plus, ne mangeait que peu et nos entraînements avaient une fâcheuse tendance à s’espacer les uns des autres. Nos étreintes, elles aussi, se faisaient rares. Petit à petit, ses efforts portèrent ses fruits. Elle refusait toujours de me parler de ses occupations, en dépit des nombreuses crises que je lui fis pour apprendre ce qu’elle me cachait obstinément. Mais un jour, je pus les voir en application. La première fois, elle versa simplement un produit sur la lame de sa lance. Sa pauvre petite lance. Une fumée s’en échappa. C’était joli. Surtout en voyant ses yeux s’illuminer derrière. Je la laissais se battre, par pure curiosité, un sourire en coin, dans l’ombre. Le combattant en face était surpris, un peu plus fort qu’elle, mais elle arrivait à me toucher, à présent, je ne me faisais donc pas trop de soucis pour elle. Elle toucha l’homme, une fois, du bout de sa lance. Elle avait déjà de nombreuses blessures, mais tel un petit fauve, évoluant au ras du sol, elle bondissait toujours. A ma grande surprise, les gestes de l’homme ralentirent. Et, petit à petit… Ses membres s’immobilisèrent, mous, sur ses côtés. Ses jambes cédèrent sous son poids, et elle n’eut plus qu’à bondir joyeusement sur lui pour l’achever.
Alors qu’elle passait devant moi, boitant un peu, je la harponnais par le bras et la contraignis avec force à me faire face. Surprise, elle lâcha sa lance, et écarquilla les yeux. Je lui demandais ce qu’elle avait fait, je lui demandais ce qu’était ce produit, ce n’était pas un poison ordinaire. J’en avais l’impression. Elle tenta de se soustraire à ma prise, mais sans succès. Finalement, elle me jeta un « Tu ne peux pas comprendre, c’est de l’alchimie » avant de se glisser hors de portée, de tirer avec violence sur son petit bras tordu, et de s’enfuir, ramassant sa lance au passage.
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MessageSujet: Re: ~. Une nuit. Puis l'Aube .~   ~. Une nuit. Puis l'Aube .~ EmptyJeu 8 Mar - 3:23

~. III .~


Il n’y a pas de violence, là… mais ce souvenir fait monter en moins une vague d’amertume. Cette soirée là a entamé pour nous une descente sûre et pour le moins âpre. Pour notre relation, mais surtout pour elle. Ah ce corps qui sursaute, de temps à autre à mes côtés… Il est beau, mais je ne peux me sortir de l’esprit qu’il est sur le point de se briser. L’alchimie, elle en a usé et abusé. Pas à ses yeux, mais aux miens oui. Elle a fait de nombreuses expériences, sur ses victimes, sur elle-même. Elle s’est créée des excitants, des drogues, des poisons encore jamais vus. Et tout cela grâce à ces bouquins qu’elle a traqué dans toute la cité. Ces murs de pierre avaient abrité, il y avait des siècles, des communautés d’alchimistes. Ils ont été traqués et brûlés pour la plupart, mais certains de leurs ouvrages perduraient dans ces remparts. Elle trouva les moyens de modifier, à titre temporaire, son apparence, et passa grâce à cela de nombreuses heures dans des bibliothèques spécialisées, à étudier, à gratter son carnet à présent bien entamé. Elle décodait tout. Petite prodigue, plus personne ne semblait avoir sur elle de prise. C’est à cette époque qu’elle commença à se séparer de sa cité. De sa mère, en somme. Et par là même, elle me tourna le dos. Je l’ennuyais, à sans cesse tenter de la détourner de son art. Et elle, elle me rabrouait, me répétant qu’elle devait se spécialiser. Mais au fil des jours, des semaines, des mois, je voyais sa peau blanchir, je voyais son regard s’atténuer… Je la sentait mourir, chaque matin, dans mes bras. Puis elle s’éveillait brutalement, et me repoussait quand je la suppliais d’arrêter ça…
Puis elle me laissa seul. Elle se tourna vers d’autres qui ne l’aimaient que parce qu’elle était leur sœur. Vers d’autres qui ne s’inquièteraient pas. Elle connut une autre vie. Et sans cesse, elle devenait plus forte… Et plus fragile. Lorsque le hasard voulait que nous soyons ensembles lors d’une mission, je la voyais se battre avec plus de fluidité. Je la voyais prendre des centimètres, prendre un peu de poids. Ce qu’il fallait. Ces hommes, autres que moi, celui qui aimait cette enfant, la faisaient mûrir. Peut-être était-ce un droit qu’elle avait… Mais ils ne la soignaient pas, eux. Elle n’avait plus ces hématomes, elle n’avait plus les genoux écorchés d’une petite fille bagarreuse… Mais elle avait la jolie taille élancée d’une demoiselle. Et le regard langoureux d’un assassin.

Ce sont d’autres hommes qui l’ont faite approcher de ce corps que j’ai sous les mains. Leur travail a été différent du mien mais… Mais il a porté ses fruits aussi. Je crois que c’est cela qui m’a le plus blessé. Qu’ils lui aient apporté quelque chose, eux aussi. Ils étaient, certes, ses frères… Ils avaient leurs droits sur elle, tout autant que moi. Et c’était une évidence à laquelle jamais je n’avais pensé avant. Là, elle frémit. C’est comme si elle savait que mes pensées brûlantes étaient pour elle. Son petit ventre, rentré par sa position, était agité de tout petits spasmes. Ca me faisait toujours sourire, de la voir ainsi. Elle était très chatouilleuse. Elle l’avait toujours été.
Comment peut-être être là, étendue à mes côtés, si elle m’a quitté, il y a des années ? Qu’est devenue sa passion pour l’alchimie ? C’est drôle. Il est des relations bien plus durables et plus stables que la nôtre. Mais c’est petites années que j’ai le privilège de passer dans sa vie, que ce soit près, ou loin d’elle, que l’on soit cet être divisé en deux contre son grès ou son adversaire… Je les prends comme un cadeau de ma cité. Je l’ai déjà dis, non ? Elle est mon cadeau de la cité. Cette nuit tourne en rond, un peu comme nous deux. On se tourne autour, on se teste, s’effleure, puis disparaît et enfin, au détour d’une ombre… On se jette l’un sur l’autre, manquant de cette partie de nous qui nous a tourné le dos, avec l’envie, le besoin de ne devenir qu’un… et sans jamais y parvenir tout à fait. Cette relation est un combustible brillant de mille feux. Un combustible tout aussi puissant que le feu grégeois de ces alchimistes dont mon flocon de neige suit la piste…

C’est lors d’une très froide nuit d’hiver qu’à nouveau mon sentier se fondit dans celui de ma créature devenue sauvage. Je n’étais pas seul. Elle était partie depuis deux ans, peut-être trois. Je la croisais comme on croisait l’un de ses amis, simplement, mon regard s’agrippait au sien qui ne faisait que passer, puis je brûlais. Et là en venait une autre. Une grande, une femme. Ces femmes aux odeurs florales et lourdes, aux formes agréables… Ces femmes au visage peint. Ce soir-là, comme de nombreux soirs, l’une d’entre elles, le corset un peu défait, sortait de ma piaule avec des gloussements… En ouvrant la porte, alors que je lassais mes chausses, je la vis s’arrêter, puis sourire d’un air goguenard. Elle s’écarta, évita quelqu’un pour quitter l’endroit, puis disparût de sa démarche chaloupée dans les ombres du couloir. La personne qui l’avait empêchée de sortir, je ne la voyais pas. Je ne cherchais même pas à la voir… En fait, cela faisait plusieurs mois qu’après le passage de ces femmes, je me sentais piteux. Et plus encore de nuit en nuit. Je n’avais plus le goût de rien, après. Si ce n’était un peu de tabac, ou d’hydromel. Alors avoir de la visite juste après… C’était la dernière chose dont j’avais envie. Mais le fait que la personne ne bouge pas, n’entre pas et de fasse pas le moindre bruit m’intrigua. Par cette sorte de curiosité, torse nu et frissonnant un peu, je m’approchais.
Le silence tomba sur la pièce, et seul le crépitement du petit feu, au fond de ma chambre, attisait l’air… Elle était là. Elle tremblait de froid, mais ne bougeait pas pour autant. La fumée, douce et aromatisée de quelques herbes, s’échappait comme une prisonnière pressée de respirer loin de moi. Mais elle… elle, elle était toujours là. Son visage était très froid. Son regard… Son regard était mort. Elle portait l’un de ces corsets, banal, des chausses simples, des bottes de cuir luisantes… Elle n’était plus une enfant. Son regard… Il était souligné d’un peu de khôl. Ses lèvres étaient sensiblement brillantes… Mais elle était plus grise. Elle n’était plus pure du tout.
Et elle attendait, là, frissonnante dans un corset qui n’avait rien d’une tenue de saison, et n’osait pas rentrer. Son regard se planta dans le mien, acéré comme celui d’un lynx. Un lynx. J’en arrive souvent à cet animal, lorsque nos regards se croisent. Elle ne dit rien, durant de longs instants qui s’écoulèrent entre nous. Finalement, elle me demanda si elle pouvait entrer. J’acquiesçais simplement, et refermais la porte derrière elle, coupant court à la fuite de la fumée. Elle fit quelques pas, puis observa les lieux. Ils étaient moins soignés que lorsqu’elle était plus petite. Peut-être parce qu’elle n’était plus venue là depuis longtemps. En fait, aucun de nous n’avait vraiment bonne mine. Elle, grise, moi, nonchalant, mon écritoire, saccagé… Elle finit par pivoter sur ses jambes ciselées, dans ses hautes bottes, et me fit face à nouveau. Elle constata qu’elle n’était pas venue depuis longtemps, à haute voix. Elle sentait l’hydromel, elle aussi. Je penchais la tête de côté, puis allais m’affaler dans un fauteuil moelleux, dans un angle de la pièce. Elle, elle restait là, debout, frissonnant un peu. Elle n’osait pas bouger. Elle avait raison, d’avoir des réserves. Elle m’avait laissé tomber, alors que j’avais essayé de faire d’elle quelqu’un de puissant. A cet instant, j’avais un peu de rancœur envers elle. Mais rapidement, elle fut remplacée par une peine incommensurable. Je voyais son regard, je voyais son allure… Elle n’avait plus rien, cette jeune femme. On avait fait fondre mon flocon. Qui avait osé faire fondre ma petite protégée… ? Pourquoi avais-je accepté de la laisser m’échapper ? Je n’en avais pas le droit. Pour moi ? Moi, au fond, ça m’était égal, mais elle, ça l’avait mise dans un état lamentable. Je la voyais, comme une enfant au maquillage défait, un simulacre d’adulte, décadente petite fille.
J’avais envie de la prendre dans mes bras et, comme je le faisais avant, de lui ôter chacune de ces blessures. Lui laver son visage meurtri, lui délasser le dos, la poitrine, nettoyer sa chair grise… J’avais envie d’enlever ces marques d’adultes et de faire apparaître l’enfant qui se cachait dedans.
Mais je n’en fis rien, parce que je n’étais pas dupe, et je savais que quoi que je fasse… Cette enfant avait changé. Pourquoi être venue ici ? Je le lui demandais, d’un ton un peu trop bourru, peut-être, car elle cilla en m’entendant. J’avais perdu de ma finesse, moi aussi. Je ne bougeais pas. Après avoir pris un inspiration, elle se tourna finalement de profil à moi et se laissa tomber sur le bord de mon lit. Elle avait l’air un peu trop maigre, comme jeune femme. Un peu trop fragile, aussi. Pas assez propre, ni assez… ni assez neige. Elle ne croisa pas mon regard, ses yeux rouges semblaient presque noisette…
Quel dommage.
Elle me dit d’une voix douce, basse mais monocorde, que je devais sans doute lui manquer un peu. Elle attendait quelque chose, je le sentais. Mais qu’attendait-elle, au juste ? Que je me jette sur elle, comme n’importe lequel de nos frères ? J’avais assez eu de leurs ragots à son sujet pour ne plus avoir besoin de test. Je l’avais bien formée, ma petite protégée. Bien formée à tout…
Devais-je faire avec elle comme avec n’importe quelle autre femme ? Etait-elle seulement une femme ? Elle ressemblait davantage à un pantin dont les fils sont menacés de rasoirs…
Je lui avais manqué… Je lui fis remarquer qu’elle avait voulu partir, et que jamais je ne l’aurais laissé faire si j’avais sentit que c’était contre son grès. Mais dans ma bouche, ces mots étaient fades. Ils étaient désagréables. Elle me regarda d’un air un peu désespéré, puis laissa un ricanement sarcastique lui échapper. Je ne l’avais encore jamais entendue ricaner ainsi. Jamais. Elle le fait souvent, aujourd’hui. Même celle qui repose avec moi dans ce lit, là… c’est quelque chose qu’elle n’abandonnera pas, ce ricanement refroidi. Celui de ce jour-là était accompagné d’un hochement de tête désolée. Elle constatait, comme moi, que nous ne fonctionnions plus ainsi. C’était dommage. Nous nous retrouvions, après une, deux années, un peu plus, même… Nous avions changé, mais dans des sens trop opposés pour qu’à nouveau, on puisse se sentir bien l’un en compagnie de l’autre. Cette discussion me retournait les tripes. Elle me demanda si elle pouvait rester, je lui répondis que oui. Bien entendu, je ne la chasserais pas. Elle n’était pas, en dépit des apparences, comme ces autres femmes.
Elle laissa un petit sourire lui échapper et, toujours sans un regard vers moi, avec un hoquet retenu, elle défit ses bottes noires. Elle les posa, puis appuya ses petits pieds blancs au sol glacé avec un sourire satisfait. Elle ôta, autour de son cou, un collier chargé de perles d’améthystes, qu’elle sembla hésiter à poser sur mon écritoire. Avec un sourire en coin, elle dit qu’elle ne le laissait jamais ainsi… Mais qu’ici, elle pouvait. Je sourit, discrètement, puis portais mon regard dans les flammes alors qu’elle attachait ses doigts aux agrafes du corset. Lorsque je reportais mon attention sur elle, son dos était nu, et elle avait croisé ses bras sur sa poitrine. La longue tresse, un peu défaite, de ses cheveux oscillait encore, signe que le geste était tout frais. Je la regardais faire. Il n’y avait pas de provocation, dans ses gestes. Au contraire, pour une jeune femme telle qu’on la disait, elle se montrait plus pudique qu’autre chose. Je finis par me lever de mon fauteuil, et allais chercher une chemise ample dans mes affaires. Après en avoir tiré une blanche, je la lui lançais, un peu négligemment. Elle me regarda avec un regard surpris, puis me sourit, avec cette douceur qui n’appartenait qu’à elle, et l’enfila rapidement. Toujours en tailleurs, elle délassa ses chausses, des chausses d’homme, visiblement, et les ôta en tendant ses petites jambes nerveuses. Puis elle les replia, comme avant, ses pieds frottant un peu le lit au passage, et s’appliqua à défaire sa tresse. Elle redevenait ma protégée. Elle était venue chercher un refuge, cette nuit-là. Je le sentais dans la précaution qu’elle mettait dans ses gestes. Mon adorable petit flocon. En la voyant faire, son visage serein, en dépit du maquillage, je sentis en moi revivre une chaleur que je pensais éteinte. Toujours debout à côté d’elle, ses formes modestes masquées par la taille grossière de la chemise, j’allais prendre à l’autre bout de la chambre un récipient plein d’eau, et déchirais un morceau d’étoffe cotonneuse. Elle ne me regarda pas faire, toujours à genoux, dos à moi. Ses orteils roses apparaissaient comme de petits fruits sous ses fesses couvertes de ma chemise. Elle semblait peiner un peu avec ses cheveux. Je posais le plateau à côté, et pris ses mains dans les miennes pour les abaisser. Elle n’avait plus la même odeur. Les drogues, les poisons, sans doute, dont elle avait gorgé son sang… Je me glissais dans son dos et commençais à défaire les nœuds de ces longs fils d’argent. Elle ne bougeait pas, se contenter d’un infime son lorsque je tirais un peu trop fort, puis soupirait et attendait la suite. Lorsque j’eus fini, elle s’était tournée, vers moi, me regardant d’un air un peu perdu. Je me penchais alors vers la bassine, y trempais le tissus, puis revins à elle. Après lui avoir demandé de fermer les yeux, je m’appliquais, touche après touche, à nettoyer ce visage souillé. Elle se laissa faire, et petit à petit, sa peau perdit de sa grisaille pour retrouver la douceur de celle qu’elle avait, enfant. Mon travail fini, elle était dans un état entre le sommeil et un éveil simplement dû au plaisir. Elle n’avait plus rien à voir avec cette gamine qui m’avait laissé, mais c’était une autre créature qui venait se lover sous mon aile. Elle se coula vers moi, les yeux toujours clos, et appuya son front à mon épaule… comme le premier soir. Elle revenait en place. Un corps qui revenait chercher ce qui lui manquait. Je passais mes bras dans son dos et la serrais avec force. Après avoir tremblé un moment, elle laissa une larme lui échapper, une larme souriante… puis s’assoupit.
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MessageSujet: Re: ~. Une nuit. Puis l'Aube .~   ~. Une nuit. Puis l'Aube .~ EmptyJeu 8 Mar - 3:29

~. IV .~


Etrange, de la voir dormir. Elle est si pâle qu’on aurait presque l’impression qu’elle est morte. Cette nuit, où nous nous sommes retrouvés, pendant qu’elle dormait, je l’ai observée, comme lorsqu’elle était petite. J’ai appris à connaître un corps qui avait bien changé. Elle n’était pas très féminine, pour une jeune femme de son âge, bien qu’encore peu âgée, mais ce n’était plus une enfant non plus. Elle n’en est plus une. Elle me tire de mes souvenirs avec un soupir sonore. Pourquoi je n’arrive pas à dormir ? Elle roule sur le côté et s’agrippe à mon oreiller, l’air de rien. Un nouveau soupir et elle tire dessus pour tenter de se l’approprier. Avec un sourire amusé, je la regarde faire. Elle tire encore un peu, puis vient s’y installer tel quel, le front tout contre ma poitrine. Je passe à nouveau ma main dans ses cheveux, seul contact dont je sais qu’il ne la réveillera pas. Elle me tire de mes souvenirs… Mais après tout, tous les suivants ressemblent à cette nuit que je vis en ce moment. A la différence près qu’ils ne se passent pas dans cette chambre là. Nous n’avons pas été en alerte… Nous ne nous retrouvions pas dans ces endroits… trop normaux. Une auberge, le comble, pour des membres de cette guilde. J’ai abandonné ma chambre, elle la sienne. Nos maigres effets traînent dans un coin. Elle a pris son attirail d’alchimie, une lance simple mais lourde, et moi quelques dagues et de l’hydromel. Le reste, nous avons, comme les autres, tiré une croix dessus. D’ailleurs, ces autres frères, que leur arrive-t-il, en ce moment ? Sont-ils en vie, comme nous ? J’aimerais le savoir… Mais rien ne peut me l’assurer… Je me lève, lui laissant la liberté de me subtiliser mon oreiller comme bon lui semble, et m’appuie à la fenêtre ouverte. La nuit va sur sa fin. Je n’ai pas sommeil, pourtant… J’entends un nouveau son, et me retourne. Elle a remonté le drap sur elle, recroquevillée sur le côté. Son regard, éclairé, est fixé sur moi. Ses yeux ont, au fil des mois, retrouvé cette lumière, et ce rouge étincelant. J’en suis heureux, à chaque fois que je le croise. C’est comme avoir l’impression de sauver un peu cette jeune femme. Un peu plus chaque fois que je la regarde. Elle ne se redresse pas, trop flemmarde pour se redresser. Simplement, elle m’observe.
« Tu ne dors pas ? » Sa voix est un peu bloquée. Enrouée, pour le moins.
« Non… non je n’ai pas sommeil. Je t’ai regardée »
Elle laisse un rire très doux lui échapper, un peu étouffé par l’oreiller qu’elle ne lâche pas, mon oreiller. « Je ne suis pas dans la rue, pourtant »
Je souris avec simplicité, et revient à elle. Après m’être coulé sur notre lit loué, je me mets dans son dos, et effleure son épaule du bout des doigts. Ce qu’elle est douce.
« Il reste combien de temps, avant que le jour se lève ? »
« Je ne sais pas, mon petit flocon »

Elle me bouscule un peu et se retourne face à moi. Elle est un peu brutale, comme d’habitude. Son sourire est tout éveillé. Il est surtout très parlant. Avec un sourire cocasse, elle glisse ses petites mains sur mes flancs et, alors que je ne m’y attends absolument pas, se met à me chatouiller. Je réplique, riant avec douceur, jusqu’à ce que nos rires se changent en soupirs. Que cette lumière nous est douce.



L’Aube pointe le bout de son nez. Il fait froid. Très froid. Je suis exténué, et j’ai déjà vu beaucoup de sang. Ce fut une aube rouge, signe qu’il en a déjà coulé beaucoup cette nuit, pendant que nous nous réfugions dans nôtre îlot de tendresse, mon petit flocon et moi. Mais maintenant c’est fini. Nous sommes partis dans la précipitation. J’ai eu le temps d’enfiler des bottes et des chausses, jeté une cape sur mes épaules… Elle n’a que ma chemise et une cape, elle aussi, mais par gain de temps, s’est délestée de ses bottes. Nous courrons dans la neige, je la vois crisser des dents, sa lance à la main. Je lui ai dis qu’elle était folle, de courir pied nus dans la neige, mais elle s’en moque. Elle a l’habitude. Nous nous sommes déjà un peu battus, en sortant de l’auberge. Ce sont toutes ces rues, qui se sont transformées en champ de bataille. Nous n’avions jamais vu ça. Des Starks, il en sort de tous les côtés. Et beaucoup ne la reconnaissent même pas. Elle a les cheveux lâchés, les joues roses, en raison du froid, et sa respiration, je l’entends siffler tout près. Mais elle se bat, inlassablement, et moi aussi. Elle n’est pas blessée, moins que moi. Mais tous deux, nous avons dors et déjà en nous la déchirure de la mort des nôtres. Nous n’avons de cesse de croiser des corps qui nous étaient familiers… C’est une sensation terrible, que de sentir que nous sommes parmi les derniers. Un petit groupe d’hommes d’armes nous tombe dessus. On se bat, tous les deux. Ceux-là son plus coriaces, mais on en vient tout de même à bout. Mon flocon a son collier d’améthyste entre les dents. Elle virevolte, avec sa lance, baignant avec aisance dans ce combat, mais le fait qu’elle ait ce collier à vue, ça signifie clairement que les choses sont pour le moins sérieuses. Et pour cause. L’un lui arrache sa cape, l’autre, d’un coup de son acier affûté, lui coupe une partie des cheveux… Ses dents crispées sur la lanière de cuir, avec un rugissement, elle le fait payer, puis, haletante, se tourne vers moi et enroule le collier autour de son poignet. Nous nous remettons en marche. Elle a du mal à courir, je la devance un peu. Nous arrivons sur une placette… De nombreux combats y sont déjà en cours. Je me demande un peu comment ça va finir, mais rapidement, nous sommes tous les deux contraints de nous battre. Enfin, moi en tout cas, je le suis. Ceux là doivent la connaître, parce qu’ils ne l’attaquent pas. Oui, c’est à cause de son patronyme, que tout ça se déroule. C’est parce que nous la protégeons… que nous l’arrachons à ceux qui sont sa famille officielle. Nous l’arrachons à un pouvoir duquel elle ne voudra jamais. Elle est trop "assassin", maintenant, pour se reconvertir. Ce serait sans doute mieux pour elle. Pour mon petit flocon. Il devrait essayer de devenir plus pur, au lieu de s’enfoncer toujours plus profondément dans notre vice… J’aimerais la libérer, la laisser aller, l’y obliger, mais j’ai trop peur de la perdre à nouveau. La dernière fois… Elle m’est revenue brisée… Et si… Si elle ne me revenait pas, cette fois ?
Nos frères tombent comme des feuilles en automne. A chaque chute supplémentaire, je sens ma rage et ma force enfler… mais c’est en vain.

L’instant se fige. Je suis derrière elle. Elle est face à un homme de son père. La neige tombe doucement, mais elle ne le voit pas. Son corps change de posture, lorsqu’il neige… Mais là, rien. L’homme la menace, mais elle ne répond pas. Elle n’attaque pas non plus. Elle aussi souffre, si ce n’est plus que moi, de la perte des nôtres. Elle ne bouge plus, simplement, elle tremble. Une overdose de peine… Un sentiment de déchirure. Moi je l’ai, face à moi, pour tenir. Moi je suis plus vieux, et même si je me sens mourir, j’ai le sentiment que je n’en ai pas le droit. Sans un bruit, avec un coup d’œil à ses chevilles bleutées par le froid, je passe devant elle, m’interpose. Non, cet homme ne la prendra pas. Elle est trop apathique pour fuir, mais il ne me la volera pas pour autant. Je veux parler, mais il est trop rapide. J’ai eu tord de penser que j’étais quelqu’un de spécial. Pour cet homme, je ne suis qu’un futur cadavre. De la poudre, un claquement sonore et une douleur, profonde, dans ma poitrine. En tombant, je la vois. Je ne l’entends pas hurler. Elle se rue sur moi et effleure mon corps en divers endroits. Je la sens, toute chaude et toute froide à la fois, au-dessus de moi. Ses petits orteils sont accrochés à mes jambes, et ses mains cherchent la plaie pour en endiguer le flot… En vain.

« Mon petit flocon… »
« Non… non Daeniel… ne… »
« Je t’aime… »

Elle éclate en sanglot et m’embrasse. Un baiser maladif et tremblant. J’ignore ce qu’elle fait, mais je sens de la chaleur envahir mon torse. Ca me laisse un peu de temps.
« Promets-moi de vivre une vie plus lumineuse… »
« Hors de question, tu restes… »
« Non »
Je l’interromps et me tend tout entier sous la douleur. Ses larmes s’écoulent comme des cristaux liquides vers moi et ma vue se brouille. « Pas une vie avec des monstres comme nous… Vis… Vis tranquillement, avec des types biens… Et, bon sang, cesse de brûler ainsi ta vie… »
Elle pleure de plus en plus, je l’entends à ses petits cris affolés. Je ne la vois presque plus. Seuls ses yeux, brillant de mille feux, accrochent encore mon regard. Elle me secoue un peu, la chaleur devient plus intense. Elle ne m’écoutera donc pas, même au bout.
« Je te le promets… Mais ne m’abandonne pas… Pitié, ne me laisse pas, j’ai besoin de… »

…..



Elle a du sang sur les mains. Des chausses, enfilées à la hâte, des bottes sans doute trop serrées. Elle n’a pas pris de lance, pas envie. Mais s’est chargée de bouquins, d’alchimie. Elle a ses dagues et quelques ustensiles… Mais surtout, elle a son sang sur les mains. Le vieux type bourru la regarde passer, dans son long manteau de cuir, avec un haussement de sourcil vaguement surpris. Mais il ne dit rien. Il se contente de refermer dans son dos les portes de la cité. Elle fait quelques pas. Devant elle, rien. Même pas de neige. C’est derrière elle que se trouve sa vie… Elle abandonne ces murs, car ils n’ont pas su protéger ses frères. Elle ne peut le leur pardonner. Elle abandonne ces toits, ces ponts, cette neige. Elle abandonne son sentier, car son jumeau s’est fini en cul de sac…
Alors elle fait quelques pas. Elle en fait beaucoup, en fait. Elle rejoint un village. Une petite ville fade, où les gens son bons, où les gens sont gras et reculent devant l’effort. Un endroit morne, ennuyeux. Pas ce carrefour qu’était cette cité mère, celle qui l’a construite. Elle aussi doit se sentir abandonnée. Cette cité d’ében et de givre… elle a perdu tant d’enfants, aujourd’hui…
Cette insipide bourgade… Lamentable, tant sur le plan de l’architecture que dans son climat, dans sa "populasse", dans ses commerces et ses sourires, tellement banale, tellement dans la médiété… Elle a néanmoins une gare. Un petit portail crasseux.

Mais elle n’a rien d’autre à faire. Elle a envie de mourir. De se laisser mourir là. Elle a envie de souffrir, de se retrouver en sang au milieu de cette gare minable et de hurler… mais elle n’en fera rien.
« La parole de ton petit flocon est d’or. Tu le savais… »
Elle fronce les sourcils et pose son sac à côté d’un banc. La vapeur des trains assombrit le ciel. Cette journée est atroce. Elle tombe assise, le visage dans les mains. Elle replie ses jambes sous elle, se recroqueville, et là, elle pleure. Elle pleure jusqu’à ce que le train arrive, qu’il pointe son lourd et vulgaire nez d’acier. Ce sont les premiers trains. Elle ne le regarde pas… A l’intérieur, de frustration, de peine et de désarroi, elle frémit, le front contre la vitre. Elle doit recommencer, c’est bien cela ? Pourquoi fuir, alors… ?
Sa souffrance… Elle ne lui trouve aucun mot, dans sa petite tête d’argent. Les flammes de ses yeux sont mortes. Elles sont mortes sur cette neige, lors de cette maudite Aube. Elle n’a pas la force. Elle ne l’a jamais eue. Elle soupire. Un homme passe, avec une bouteille, et, voyant son état quasi-léthargique, lui en propose une. Il se présente, s’assoit une minute en face d’elle et lui parle, peut-être pour l’occuper, ou pour la balancer dans son pieu.

Elle s’en fout, à vrai dire. Simplement, lorsqu’il lui demande son nom et ce qu’une « jolie petite damoiselle » fait dans ce train, elle détourne son regard de son interlocuteur et, fixant les plaines grises et dévastées qui défilent sous ses yeux, elle lui dit d’une voix sombre :


« Je me nomme Namibe Stark, et je recommence tout »

Virevolte petit flocon
Dans une éclaircie
Une fissure
Les nuages s’écartent
Une seconde
Tu virevoltes
Au sein de ce champ de bataille
La chaleur du sang est montée
Jusqu’à toi, là haut
Alors tu abandonnes
Puis tu fonds
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MessageSujet: Re: ~. Une nuit. Puis l'Aube .~   ~. Une nuit. Puis l'Aube .~ EmptySam 10 Mar - 15:51

Après avoir tout lu, il est temps que je te livre mon commentaire ^^

Donc effectivement toute cette histoire m'a appris beaucoup de choses sur ton personnage et c'est important pour le mien même si je ne pense pas qu'il puisse être au courant de tout ça.

Bref, ton style est toujours aussi bon et on lit vraiment cela comme un livre d'autant qu'on voit une évolution de tes personnages chapitre après chapitre.
Après je dois dire que je n'accroche pas au personnage de Daeniel, peut-être car je n'ai jamais crée de personnages comme lui ( c'est un véritable assassin après tout ). Mais je dois reconnaître que sa fin est noble.
Et je maintiens ce que je t'avais dis : je pense que c'est Namibe qui le fascine le plus car elle, elle va s'en détourner en se réfugiant dans l'alchimie.
En tout cas, je ne pensais pas que Namibe avait pu vivre une existence pareille. C'est très fouillé et vraiment peu ordinaire.

voilà pour mon avis ^^
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MessageSujet: Re: ~. Une nuit. Puis l'Aube .~   ~. Une nuit. Puis l'Aube .~ EmptySam 10 Mar - 16:59

contente de l'avoir eu, cet avis :}

il est un peu space, mon Daeniel ^^ (ce nooom >< m'énerve) mais ça permet de comprendre pourquoi elle se sent si décalée, sur Ynis ^^ j'avais l'impression qu'elle passait pour une espèce de pseudo torturée capricieuse, alors écrire ça, ça m'a auto-rassurée xD (il en faut, peuuu pour être heureux Rolling Eyes )

bref, contente que tu ais aimé :}
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