Ynis Witrin: L'île cachée
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 La Chimère

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Namibe Stark
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Namibe Stark


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MessageSujet: La Chimère   La Chimère EmptyLun 5 Nov - 22:51

« De cette manière, je pourrais te toucher sans problème »
Avec des gestes lents et maîtrisés, elle sur la collerette de plumes du Coursier une pièce d’armure en feuilleté d’une agréable légèreté. Pour faire forger la pièce, la Chevaucheuse avait du débourser un nombre de Rin qui l’aurait empêchée de dormir si elle n’avait pas été tant épuisée par ses travaux alchimiques nocturnes… La pièce était conçue pour ne pas faire de bruit, les jointures faites de cuir noir et épais, évitant que le frottement ne trahisse la présence du reptile. Et celui-ci restait aussi discret que ses plumes de jais à l’air libre, le métal étant d’un noir profond et opaque. Sa solidité n’était pas spécialement recherchée, étant donnée la finesse de la pièce, mais elle était suffisante pour protéger non pas le Coursier des coups, mais bien la Chevaucheuse du Coursier. Elle y avait fait graver quelques runes alchimiques que personne au non personne n’était en mesure de déchiffrer -elle les avait elle-même dessinées, alliant tout à la fois des runes connues des alchimistes et des symboles pratiques inventés par ses soins. Ces courbes plus aisées à sentir, du bout des doigts, qu’à voir, si ce n’était dans une lumière mettant en relief leurs ombres, ne signifiaient de toute façon strictement rien, et n’étaient là que pour ornementer le tout. Elle espérait que, la pièce étant la plus belle et impressionnante possible, le Coursier ne lui en tiendrait pas trop rigueur de s’en voir affublé. Elle ne devait pas le gêner, faite sur mesure, et n’obscurcissait pas une vue déjà faible, ni un odorat indispensable. En réalité, la pièce ne couvrait que le cou de la créature, et donc que la partie que Namibe devait toucher, ainsi que l’arrière de son crâne où un repli volontairement proéminent lui permettrait de s’y hisser pour avoir une meilleure vue sur leur chemin.
La créature avait laissé sa langue parcourir l’acier pour en apprécier le moindre détail, puis avait finalement opiné de sa large tête reptilienne, ses yeux écarlates luisants d’un air visiblement satisfait. Elle s’était faite à sa présence en elle, dans son esprit. Il était devenu un compagnon, contre son gré certes, mais avait fini par gagner la partie. Namibe ne rechignait plus à leurs débats mentaux, et appréciait même, au contraire, le fait qu’il la protège d’éventuelles intrusions de ces « pathétiques télépathes ». C’était lui-même qui les appelait ainsi. Il déplorait la façon que ces mortels avaient de violer l’esprit de leurs congénères. De plus, il les trouvait maladroits, et estimait que quitte à faire effraction dans l’esprit de quelqu’un, il fallait le faire utilement, efficacement, et surtout habilement. Il trouvait, par exemple, très idiots ceux qui se servaient de la télépathie pour connaître le fond de la pensée de l’un de leurs interlocuteurs. Lui, d’un regard, pouvait plonger au « fond de leur œil » et y dénicher d’intéressantes visions, elles tout à fait fidèles, issues de la mémoire pure de l’œil, et vierges de l’altération que l’esprit et la mémoire faisaient à ces images. Enfin, lorsqu’il pénétrait l’esprit de quelqu’un, Obb était d’un niveau tout autre que ces mortels imbus de leurs capacités. Lorsqu’il était en Namibe, par exemple, plus qu’une simple idée de ce que ses voix intérieures, diverses et variées, toutes animées d’une volonté propre et conflictuelles, il vivait en elle. Il sentait, partageait non pas de simples idées, mais tout un corps, et ce de par sa simple volonté.
Il s’était étonné de la voir accepter une telle chose, s’étant plutôt attendu à ce qu’elle le repousse des semaines durant, qu’elle le fuit réellement. Mais ça n’était pas le cas et la créature, séduite par sa compagne, s’en était trouvée ravie. Lorsque Namibe serra, ses mains encore meurtries, la sangle de la pièce d’acier, Obb s’ébroua et fit quelques pas silencieux, ondulant autour d’elle. Il devait lui aussi s’habituer à ceci, jugeant que c’était peu cher payé pour avoir le droit de faire des sorties avec sa Liée. Il admira les écailles de fortunes et leur silence. Leur frottement était à peine plus bruyant que celui de ses propres écailles lorsqu’il bougeait, ce qui était admirable. Il ne lui fit pas de commentaire, et se contenta de hocher de sa tête massive et revenant auprès d’elle. Le Coursier jeta au cheval qui broutait un peu plus loin un regard envieux. Lui n’était même pas affublé de selle. Il ne comprenait pas pour quelle raison Namibe le gardait ici alors qu’il savait les écuyers d’Ynis tout à fait capables de s’en occuper à merveille. Ils s’en occuperaient même sans doute mieux que Namibe. Mais elle s’en moquait manifestement, et le cheval lui-même semblait satisfait de rôder librement autour de sa petite maison. Elle ne lui enlevait pas ses rennes, espérant qu’ainsi personne ne déciderait de le lui voler. Dans le pire des cas, elle comptait sur cette tête de mule pour mettre par terre quiconque oublierait la notion de propriété privée.
Le Coursier s’ébroua une fois de plus, avant de glisser sur le petit visage pâle de l’alchimiste sa langue fourchue. Elle reculait à chaque fois, trouvant désagréable ce chatouillis obscène, et le traitait de tous les noms, mais il n’en démordrait pas, et ne se priverait pas de lui montrer ainsi sa reconnaissance chaque fois que cela serait de rigueur. Le reptile, sous les jurons de la jeune femme répugnée, s’éloigna un peu crapahuter seul, mettant ainsi à l’épreuve le présent qu’elle venait de lui faire.

Namibe de son côté le regarda s’éloigner puis poussa un léger soupir de soulagement. Elle passa le pas de sa porte et la referma dans son dos. Sur le sofa en désordre elle s’empara d’une longue blouse blanche qu’elle portait lors de ses travaux occultes, songeant à l’odeur qu’elle ferait bien d’en changer enfin, puis se dirigea sans une seconde d’hésitation dans son cabinet. Elle le referma, évitant d’un geste crispé la petite étagère que son épaule avait déjà heurtée, une nuit, puis alla s’asseoir à un établi dont elle ouvrit le tiroir supérieur. Elle en sortit une liasse de parchemins qu’elle étala sans grand ménagement sur la large table encombrée. Ils étaient parcourus de caractères étranges et déformés, d’apparence peu soignés, mais en réalité d’une terrible précision. Elle aimait à se plonger au cœur de cette science si prenante, dévorée par ses calculs et ses équations… observer, d’abord sur le papier, les différentes possibilités qu’offraient ces réactions qu’elle imaginait. L’alchimie était bien en somme la science du changement et de la métamorphose. Changer le plomb en or, la mort en vie, l’eau en vin. Une affaire d’atomes brisés, torturés puis modifiés. Elle changeait la propriété des éléments naturels du monde pour le rendre le royaume de la superficialité. Superficiel… Oui, tel était le monde de Namibe. Le monde d’un être ayant égaré son être, son essence.
Au matin de cette Aube qui lui avait tout volé, Namibe Stark, l’Alchimiste Blanc, le Flocon de la Guilde Blanche était tombé comme ses frères. Alors il lui restait la synthèse d’un corps et ce qu’il restait d’une âme. La réaction chimique d’un esprit pensant et d’une enveloppe décadente. C’était tout ce que Namibe Stark pouvait prétendre à être. Là dans son cabinet, on ne venait pas la chercher. Tout était verrouillé, jusqu’à son cœur, et elle n’existait plus que pour les noms des molécules, rares molécules connues à cette époque, et de leur agencement, elle n’existait que pour les innovations qu’elle faisait dans son petit atelier. Elle ne vivait que pour les poisons qui sortaient par cette porte. Que pour sentir le sang se glisser le long de ses bras, pour apprécier la chaleur de celui-ci… Elle posa les lunettes qu’elle utilisait pour protéger son regard des émanations chimiques sur son nez, puis débuta ses petites affaires. Elle déplorait, sur Ynis, de ne point avoir de créatures vivantes sur lesquelles tester ses produits. Elle n’aurait pas pu s’emparer discrètement d’animaux pour faire ses expériences, et les faire sur des humains ou du moins des humanoïdes aurait sans nul doute choqué le bon peuple d’Ynis… mais cela, à long terme, serait sérieusement pénalisant pour elle en matière d’efficacité et de puissance… Il lui fallait trouver un moyen de tester ses créations. Elle y réfléchissait, tout en agitant ses petits doigts agiles entre les fioles, chauffages, éprouvettes et autres objets utiles à sa science. Finalement dans une impasse pratique, l’alchimiste posa porte-plumes en bois, flacon et parchemin, ôta ses lunettes grossissant un peu ses travaux, puis appuya à ses tempes deux doigts de chaque main. Elle devait trouver une solution. La dernière héritière de siècles d’alchimie ne pouvait pas sombrer se retrouver prise de court par de tels problèmes. Elle poussa finalement un soupir, puis alla fouiller dans un autre petit tiroir. Elle du forcer pour l’ouvrir, et en extirpa un carnet poussiéreux et une mine de carbone. Elle ôta sa tunique blanche, songeant qu’il lui faudrait en prendre une autre à son retour, et sortit de son cabinet qu’elle verrouilla, toujours soigneusement. Elle avait déjà fait condamner la fenêtre, pour être sur de ne subir aucune intrusion. De plus, c’était mieux pour les produits qui avaient besoin de macérer. Cela leur évitait de trop s’éventer. Elle jeta négligemment sur ses épaules une ample cape de jais, puis réfléchit un instant à l’équipement à prendre. Elle laissa chez elle sa lance, et se contenta de deux petites dagues effilées… Elle prit son collier comme à son habitude, plus une multitude de produits et d’aiguilles.
Ses mains glissant légèrement dans la crinière de lumière de l’alchimiste, celle-ci attacha ses cheveux éparses puis sortit de son chez-elle, fermant à double tour la porte. L’air libre lui piqua les yeux, après l’air confiné et chargé de son cabinet, mais elle n’en laissa rien paraître, bien que seule, puis se dirigea vers l’arrière de la petite maison en quête de son cheval d’adoption. Celui-ci lui montra clairement qu’il n’avait pas le moins du monde envie d’être monté par sa maîtresse. Celle-ci, après l’avoir traité de tous les noms, avait vu se profiler un peu plus loin une silhouette gigantesque qui, pour une fois, la soulagea grandement. Obb se glissa dans les hautes herbes qui entouraient sa demeure, et une fois à sa hauteur, alors que Namibe retenait par la bride l’équidé, il inclina sa lourde tête sur laquelle rutilait la pièce nouvellement placée là.
« OU VA MA LIEE ? » demanda-t-il dans l’esprit de celle-ci. Elle le toisa en silence, puis lui dit de sa voix basse : « Je me rends sur le Continent. J’ai besoin d’y trouver… des ingrédients pour mon alchimie » Le reptile l’observa à son tour, puis émit un léger sifflement avant de violer avec sa force habituelle l’esprit de sa Liée. Il y avait toujours dans cette intrusion une souffrance difficilement gérable. Le sentir entrer dans sa tête lui donnait parfois l’effet d’avoir le front marqué au fer rouge. Le Coursier devait savoir de quels ingrédients il s’agissait, il avait décelé dans le ton de sa Liée des énigmes qui ne lui convenaient guère. Lorsqu’il trouva la réponse exacte au sein des pensées de l’alchimiste, un sifflement approbateur fendit la végétation. Le serpent, s’il avait eu le visage nécessaire à une telle agilité, lui aurait sourit. Il plia lentement l’une de ses pattes, puis glissa à son âme : « MONTE, PETITE HUMAINE. JE ME LANGUIS DE LA CHASSE, MOI AUSSI » Elle hocha la tête, donna une tape au flanc de son cheval, puis se hissa sur le dos du Coursier colossal. Elle avait vraiment l’air minuscule, montée sur une telle créature. C’est alors que la créature fondit dans la première ombre…


Dernière édition par le Lun 5 Nov - 22:53, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: La Chimère   La Chimère EmptyLun 5 Nov - 22:51

Ils passèrent l’embarcadère sans le moindre problème, le meneur ayant accepté le reptile à son ordre sur un regard de Namibe. Obb avait su se tenir tranquille, en dépit de son habituelle instabilité. Ses réactions étaient étouffées, ses réflexes endormis. Namibe elle-même fit son possible pour ne pas trop souffrir de la traversée, elle qui aimait si peu l’eau. Elle fut néanmoins grandement soulagée de poser le pied sur le continent, et de se hisser sur le dos de sa monture. Obb, sans tarder, s’élança dans la première ombre, partageant avec celle qui partageait ses sensations avec lui la vision violacée, saturée de ce qu’était ce monde, sur le plan des ombres. Des ombres, le continent en était plein. Elles étaient comme une Sente qui s’étendait, qui faisait tâche d’huile sur ce monde en ruine. Depuis que les créatures du Malin avaient su envahir le monde de la lumière, ou plutôt celui de l’humanité, c’était une lèpre immonde qui souillait, et de plus en plus largement, les terres habitées, racontait Obb. « LES DEMONS… ILS DETRUISENT BEAUCOUP. CE SONT LES MONSTRES, CE QUE LE MONDE A SU ENGENDRER DE PLUS MALSAIN. DES CREATURES CONSANGUINES. MANGER LA VIE COMME ON DECHIRE LA CHAIR DE SES CROCS. ILS SONT LA POUR CA, MAINTENANT. ILS REPANDENT LE MONDE DES TENEBRES DANS CELUI DE LA VIE… MAIS JAMAIS CELUI DE LA VIE SE REPAND DANS LES TENEBRES… LES DEMONS ONT TUE UN MONDE, ILS ONT BESOIN D’UN NOUVEAU » à ces mots, Namibe se prit à être parcourue de frissons. Le voyage d’ombres en ombre n’arrangeait rien à l’histoire… Ils détruiront tous, tu penses… ? demanda-t-elle en son âme… Dans le monde des ombres, il ne servait à rien de parler à haute voix. Tu penses qu’ils détruiront tout ce qui est en ce monde, ou juste ce qui s’opposera à eux ? La créature sembla hésiter un instant. « NE PAS LE PENSER… NON NE PAS PENSER A LA FIN DE TOUT UN MONDE. ON NE PEUT PAS ANEANTIR UN MONDE ENTIER AINSI. PEUT-ETRE CERTAINS DEMONS VERRONT SES RICHESSES ET SES ATOUTS. PLUS INTELLIGENT EXPLOITER… MAIS CELA CREER GUERRE INTESTINES » Le reptile réfléchit un peu plus encore, puis ajouta, sa voix grondant dans l’esprit de la jeune femme : « DEMONS CACHES, DIFFERENTS… PIRES » Namibe voulut lui demander de quels démons il parlait, mais il l’interrompit et susurra qu’il avait trouvé quelque chose. Ils s’arrêtèrent non loin d’un bosquet où, tapis, ils assistèrent à une scène des plus intéressantes. Une créature aux allures difformes bondit d’un arbre à l’autre. En dessous, un troupeau de biches paissait paisiblement. Obb, tapis dans une ombre, Namibe sur le dos, se délectait de chaque image que lui envoyait les yeux de sa Liée. Il commenta la scène. « REGARDE-LE… C’EST UN DEMON… UNE CREATURE CONSANGUINE… PEUT-ETRE MEME UNE CHIMERE. ELLE SOUFFRE, SON CORPS HYBRIDE DOULOUREUX. PRIVE DE SA NATURE ET D’UNE RACE REELLE. QU’UN MONSTRE QUI SOUFFRE DU MATIN AU SOIR. POUR CA MANGER TOUT LE TEMPS ANIMAUX SAINS… JALOUX DE CES CORPS HARMONIEUX, ACCEPTES PAR LA NATURE… » Obb fit jouer ses vertèbres et la maille pour tourner son regard sanguin en direction de la jeune femme. « TON CORPS EST COMME CELUI DE CETTE BICHE… MAIS TOI DEVENIR UNE CHIMERE » Namibe ne comprit pas tout de suite ce dont parlait la créature, mais elle fut coupée dans ses questions, une fois de plus, par ce qui se passait devant. La chimère venait de jaillir de l’arbre où elle s’était perchée pour briser sur le coup l’échine d’une biche et en attraper une autre de son bras trop long pour un corps pareil. Namibe tenta de se remémorer les planches d’anatomies qu’elle n’avait malheureusement pas emporté sur Ynis, celles des animaux, et cru déceler dans l’armature apparente de ce corps un peu du singe, et d’un pachyderme. Un rhinocéros, sans doute… En tout cas, ce corps ne fonctionnait pas, ça se voyait, sans douleur. Chaque attaque devait être un supplice. Chaque muscle luttait contre celui auquel il était rattaché. La chimère égorgea d’un coup de ses dents désordonnées la plus frêle des biches, et arracha à l’autre une partie du cou. C’était expéditif, ces créatures n’avaient que très peu souffert. Rassérénée, la chimère finit par se prostrer, les vertèbres de son dos courbé saillantes, et par déchirer lentement la chair. Namibe sentait dans le calme de la chimère comme un apaisement, enfin, de ses souffrances. C’est alors qu’elle perçu sous elle un infime frémissement avant qu’Obb ne se mette en branle pour se lancer à son tour à l’attaque. Namibe émit un rugissement, ne voulant pas troubler le calme de la pauvre créature, mais le Coursier n’avait que faire de ses ordre, et répondit par une vague carnassière de faim intense. Il se rua sur la Chimère. Namibe descendit alors d’un bond, résolue à jouer son rôle, les deux dagues sorties. L’une était droite, et l’autre tenue à l’envers, le long de son poignet. Elle avait fléchit les genoux, et héla la Chimère alors qu’Obb convoité le butin de celle-ci. La créature mit quelque temps à choisir son adversaire, visiblement dépourvue de grandes capacités mentales. L’alchimiste courut avec vivacité jusqu’à elle et bondit, essuyant une maladroite mais violente parade qui l’envoya voler plus loin. Elle eut néanmoins l’occasion de toucher à la peau rugueuse et solide de la créature. Le reptile, lui, avait commencé à dévorer les cadavres encore chauds des deux biches, lançant à l’âme de Namibe quelques chuintements de plaisir animal. Celle-ci, livrée à son combat et à la créature dispersée qui jetait à Obb des regards désespérés, avant de tenter d’en finir avec la petite alchimiste. La Chevaucheuse avait pour elle une profonde pitié, mais se devait de combattre. D’où lui venait cette pitié là, elle qui tuait femme enfants et vieillards sans même sourciller ? Peut-être juste dans le fait que le Coursier lui avait dit qu’elle deviendrait cette chimère, une jour. La Liée n’avait pas compris ce que sa monture avait voulu lui faire entendre… mais elle n’en combattit pas avec moins d’ardeur son adversaire.
Obb en était presque au bout lorsque Namibe, sans avoir fait bouger la chimère de l’endroit où elle l’avait rencontrée, avait vaincue la misérable créature. Sa lourde cage thoracique s’élevait encore lorsque l’alchimiste trouva un endroit où saisir son pouls.

    30 battements / minute
    température moyenne
    état stable
    animal immobilisé


Elle griffonnait ses données avec un regard froid et impassible, dans le carnet de cuir râpé qu’elle n’avait plus sorti depuis son arrivée sur l’île. Ce carnet là contenait, et de façon non codée pour une fois, ce qu’elle avait récolté sur des corps encore vivants… des corps humains pour la plupart. Il était souvent arrivé à la scientifique de faire sur ses victimes, juste avant de les achever, des tests parfois douloureux, déformant leurs corps entiers… Alchimie… elle changeait bel et bien leur organisme. Il fallait analyser le contenu de ces pages rudes et grossières pour savoir de quoi il s’agissait, mais il était déjà plus aisé de comprendre ceci que de décoder le plus basique et simple des manuels d’alchimie. Elle ouvrit une fiole. Obb, repus, s’approcha et s’étendit à côté d’elle pour l’observer en silence. Le regard souffrant de la chimère lui arracha un frisson, mais elle ne se démonta pas et commença ses expériences sur elle…

Elle ne l’acheva que quelques longues minutes plus tard. La créature déjà difforme s’était plus tordue encore sous l’effet de quelques nouveaux poisons pour paralytiques à affiner, n’étant pas tout à fait au point. Elle avait pris des notes très utiles, mais se sentait étrangement prise de nausée. Faire ceci à un corps humain ne la dérangeait pas outre mesure, au sien compris. Mais elle sentait peser sur elle le regard calculateur du reptile, et redoutait une sentence qu’elle sentait venir. Embusquée dans sa propre ombre, prête à achever ce que Namibe avait de contenance. Lorsqu’elle offrit la mort à son cobaye, l’alchimiste eut l’impression de lui faire le seul et unique plaisir qu’elle eut jamais eut, tant son silencieux dernier souffle fut apaisé. L’alchimiste, elle, avait la bouche atrocement pâteuse, et l’impression d’avoir le serpent non pas à ses côté mais dans son estomac… Elle déglutit difficilement, referma le carnet et le posa avec précautions à côté d’elle. Lorsque son regard effleura une nouvelle fois le corps déformé par la douleur de l’hybride, Namibe plaqua une main à sa bouche et, avec un hoquet, se leva pour aller cracher sa bile à l’ombre d’un arbre. Appuyée d’une main à l’écorce, les genoux flageolants et l’autre main sur le cou acidifié par ce qu’elle avait rendue, elle poussa un glapissement lorsque deux yeux rouges apparurent dans l’ombre devant elle. « LIEE… » Il l’appelait souvent ainsi… Ceci donnait à Namibe une profonde impression de faiblesse, d’aliénation. Mais c’était l’effet escompté, et Obb n’en usait que davantage encore. Il sortit de l’ombre de l’arbre massif et odorant et la contourna, sa récupérant avec douceur grâce à sa queue et ses bras, pour la traîner un peu plus loin. Il l’étendit et glissa une main froide sur le front de l’alchimiste qui tremblait de tous ses membres. « TU AS VU SES YEUX » constata-t-il. Elle acquiesça à peine, retenant des larmes brûlantes. Les prunelles ardentes du reptile violaient son âme. Elle sentait leur passage dans ses yeux. Il visitait le fond de son œil. « TU AS COMPRIS… POURQUOI » Il hocha la tête et la glissa sur son épaule. « UN ETRE ARRIVE AU BOUT D’UN CHANGEMENT QU’IL NE PEUT PAS TOLERER… TOI AUSSI »

Les bras et jambes regroupés sur sa poitrine, Namibe se mit à trembler de façon maladive, comme si elle s’était injecté les poisons qui avaient tordu le corps de la chimère. Son esprit entendait une chose dont elle ne voulait pas. Il entendait ce que l’âme du reptile lui susurrait amoureusement, sans se sentir capable d’en accepter le fond. Elle fermait les yeux, tentant de calmer une tempête qui remontait en elle, une tempête qui couvait en permanence. La voix entêtante de la créature ne cessait pas alors de lui souffler ses mielleuses explications… « QU’A DECOUVERT MA LIEE… ? SUR LES CHIMERES… SUR LE CORPS ET LES MAUX DE LA CHIMERE… ?
- Ce sont de misérables créations de… de scientifiques
- NON… AUTRE CHOSE
- Elles souffrent parce qu’elles… sont deux corps, deux entités qui s’affrontent et ne peuvent se tolérer l’une l’autre. Parce que leur corps est habité par un poison…
- QU’EST-CE QUE TU COMPRENDS ENCORE… ? »

Elle frissonna, puis se contracta plus encore. Le reptile n’en démordait pas. « L’ASSASSIN… LA CHEVAUCHEUSE. » Namibe ouvrit alors deux grands yeux luisants et pourtant d’une fadeur qui ne leur était pas coutumière. La jeune femme posa sur sa bouche une main tremblante, puis fut prise d’une violente quinte de toux… Plus violente que les autres. Elle était devenue une Chimère lors même qu’elle avait promis à Daeniel de devenir une personne de bien. En elle aussi, deux entités étaient en constante opposition. En elle aussi deux monde, deux fonctionnement, de organismes s’affrontaient sans relâche… Quand à son corps, il dégénérait au moins autant que celui de la créature qu’elle avait achevée. Ses doigts crispés s’écorchèrent sur l’acier qui enserrait le cou du Coursier. Ils s’y agrippaient furieusement alors que du sang mouchetait les lèvres et les doigts livides et glacés de la jeune femme. Obb ne faisait rien. Il ne pouvait rien faire de toutes façons. Il lui aurait fallu lui offrir un peu de son énergie, mais Namibe ne l’aurait jamais accepté, pour rien au monde, et il n’était pas vraiment inquiet pour elle, persuadé qu’elle finirait par se calmer d’elle-même. En réalité elle ne se calma pas, mais succomba à la violence de cette crise et s’assoupit, le corps parcouru de spasmes. Elle ne crachait plus de sang, sa toux n’était plus qu’une danse violente et compulsive que son corps exerçait seul.

Le soleil était à son zénith lorsque les yeux vitreux de Namibe s’ouvrirent à nouveau. Elle passa une main atrocement froide sur son front, puis, les yeux papillonnant faiblement, glissa son regard alentours. Elle était étendue dans l’herbe froide et humide qui avoisinait le bosquet. Obb s’était éloigné pour terminer sa dégustation des biches. Il n’avait pas touché à la chimère, étant donné le taux de toxicité que la chair de celle-ci devait aux poisons de l’alchimiste. Mais il avait en revanche nettoyé à la perfection chaque petite partie comestible des cervidés. Il était paisiblement étendu un peu plus loin, ne la regardant même pas. Le Coursier avait fait son office, il avait inculqué à l’alchimiste une leçon qui changerait sans doute beaucoup de choses. Il lui avait fait prendre conscience d’un état des choses qui sans doute changerait pas mal de choses pour l’alchimiste. Elle tenta d’essuyer le sang qui avait séché sur son menton, cracha celui qui, pâteux, avait envahi sa bouche dans son inconscience, puis s’aida d’un arbre pour se relever. Elle fit quelques pas, le bosquet virevoltant sous son regard vaseux, puis se pencha pour récupérer le carnet, prenant bien garde à ne pas attacher au corps de la Chimère son regard. Elle fixa ses yeux hésitants sur Obb, et lui dit d’une voix faible : « On part »

    Le vent souffle délicatement sur la falaise… La feuille s’envole délicatement puis tombe… dans un abyme infini… elle danse, virevolte dans les aléas et les caprices de la nuit naissante… puis s’engouffre dans une chute infinie… profonde.
    Le vent souffle encore, il mugit de son timbre sourd. Il frappe l’étoffe, tord la chair…
    Qu’attend-t-elle ?


Assise en tailleurs à quelque coudées du bord, l’alchimiste avait plongé, voila quelques dizaines de minutes déjà, son regard dans la brume. Elle l’y avait perdu… Le malaise qui, plus tôt dans la journée, l’avait saisie, ne l’avait pas tout à fait quittée, et elle se sentait encore très vaseuse. Elle avait découvert une chose que, peut-être elle n’aurait pas dû réaliser. Pour son bien-être… Pour celui de sa Guilde… Pour effectuer son devoir correctement et ne jamais trahir ce qui sommeillait en elle. Obb avait su voir cela alors même qu’elle l’avait ignoré, et il l’avait déterré comme un chien déterre un os. Malheureusement, il n’avait su que le lui montrer, et jugeait inutile, voire déplace d’influer davantage sur la jeune femme. Celle-ci s’était rendue sur la falaise seule, presque malade en raison de l’altitude et du caractère naturel des lieux. Elle s’y était assise, savourant sa solitude, après avoir demandé au Coursier de bien vouloir la laisser en paix un moment. Elle replia ses jambes ciselées contre sa poitrine et les entoura de ses bras…
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